Une interview de J.-H. Rosny Jeune
A PROPOS DU JOURNAL DES GONCOURT
C’est à Coubert, où il possède une propriété, que nous avons pu joindre M. Rosny Jeune.
Nous sommes accueilli à la grille par deux superbes chiens-loups qui nous conduisent à la demeure de l’auteur de Francho-la-Belle.
Le journal des Goncourt, nous dit-il, a été publié par Edmond de Goncourt lui-même de son vivant ; ce qui reste, ce n’est pas, comme le croit le public, la suite de ce qui a été édité, mais des découpures – Goncourt a expurgé la première édition de son Journal et ce qu’on nous demande de laisser paraître, c’est ce que lui même a écarté de la publication pour ne pas s’aliéner personne. Comment voulez-vous publier cela intégralement ? Edmond de Goncourt a été surpris par la mort et ‘a pas eu le temps de mettre ses papiers en ordre.
« Il a dit que son journal ne devrait être consulté et livré à l’impression qu’au bout de 20 ans. Il n’a pas voulu exprimer par-là que ce serait 20 ans exactement après sa mort, mais 20 ans au minimum et si lui-même, à la date laquelle il a fait son testament, a estimé que 20ans seraient suffisants, nous pouvons, nous membres de l’Académie Goncourt, juger qu’il faut attendre 25 ans, 30 ans même après sa mort pour livrer son journal au public. Ceci, surtout après un événement no prévu par notre illustre maître, la guerre, qui nous impose une plus grande sensibilité à l’égard des familles. Nous interprétons le testament avec notre cœur ; les Goncourt, que nous connaissons mieux que ne les connaît le public, nous approuveraient : nous les aimons, nous veillons sur leur cher mémoire » Evidement, la publication nous serait d’un bon rapport, surtout avec la réclame qui a été faite, mais il faut publier tout ou rien : expurger l’édition ne serait pas respecter la volonté du mort.
« A défaut de sa publication, on pourra le consulter à la Bibliothèque Nationale.
Croyez--vous qu’il ne sera pas publié ? »
M. J.-H. Rosny Jeune sourit énigmatiquement et se refuse à tout autre commentaire…
- JACQUES SCHNEIZER
Article provenant du Comoedia du 24 septembre 1922
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